TESTAMENT OF THE WIND |
Lors d’un séjour à l’île
de la Réunion en 2000 pour la production du film Vision-Vidéo
tourné en
collaboration avec le réalisateur Dave Tucker (sur le cratère
de la Fournaise), j’ai eu la chance de
rencontrer l’écrivain poète C.
Jalma. Sa vision de
l’histoire et la force de sa poésie m’ont
immédiatement frappé et inspiré la création
d’un nouveau projet artistique. En effet, sa vision de
l’esclavage et de ses répercussions sur la société rejoignaient
ma conception personnelle de
l’humain comme esclave de schéma de pensées, de sentiments
et d’action liés aux influences
sociales, idéologiques, historiques et culturelles. La performance du Testament du vent invite à réfléchir sur la notion d’esclavage dans le monde d’aujourd’hui, sur l’amoindrissement de l’autorité de l’individuel, de la responsabilité et de l’initiative personnelle au travers de la domination corporative et institutionelle. Par l’originalité de sa forme artistique, elle invite chaque membre du public à explorer et à jouer avec la possibilité de prendre des initiatives personnelles lors de son déroulement, de plonger dans la créativité de soi dans un contexte hautement idéalistique et artistique. La Peinture de F. A Biard la Proclamation de l’abolition de l’esclavage (1848) a inspiré la création du texte le Testament du vent de C. Jalma. Elle sera aussi une pièce centrale de mon travail de performance peinture. Les références culturelles et temporelles véhiculées par cette peinture, la façon de créer la forme artistique trouvent une répercussion aujourd’hui et devient porteur de l’histoire sociale commune de l’humanité : les relations entre riches et pauvres, maîtres et esclaves, puissances et dépendances. Les concepts à la base de la compréhension et incompréhension du monde occidental vis à vis des autres cultures et de leurs dimensions spirituelles et sociales au-delà de sa conception judéo-chrétienne. Dépasser ce clivage au travers d’un acte artistique est mon secret espoir «chamanistique». Je souhaite inviter chaque membre du public à quitter ce “groupe du public” et à entrer en scène, à participer au processus créatif de la pièce. Je souhaite aller au delà des structures traditionnelles du théatre, de la séparation entre acteurs et spectateurs, public et scène, représentation et jugement. Néanmoins, au cours de la performance, le but artistique porté par les artistes doit rester bien présent. L’ idee que l’autorité et la responsabilité individuelle soient un élément important de la conscience humaine est indispensable aussi bien d’un point de vue culturel que socio-politque. Dans un temps d’insécurité où les institutions tendent à limiter l’autorité chez l’individu et par conséquent les limites de sa responsabilité créant un climat de violence, il est de notre tâche de stimuler les notions culturelles et les capacités créatives de l’individu. La performance avec pour toile de fond la tragique histoire de l’esclavage enrichit conscience culturelle, créativité individuelle, sécurité, par une prise de conscience personnelle et le développement de notre propre estime. Une personne culturellement consciente et qui a developpé sa propre estime ne cherchera pas à promouvoir discriminations et violences. Elle choisira de quitter l’’état de confort et de non-responsabilité de l’esclave. La promotion des cultures et de leurs évolutions signifie la promotion de sécurité à travers tous les niveaux de la société.. |
ORIGINES |
Le texte théâtral Le Testament du vent est basé sur deux oeuvres de C. Jalma : le Testament du vent et Caffre amnésique, elles-même inspirées par la peinture de F. A. Biard: la Proclamation de l’Abolition de l’Esclavage (1848). Le Testament du vent et Caffre amnésique disent l’histoire de la proclamation de l’abolition de l’esclavage par la France en 1848, de ses conséquences directes sur les esclaves d’alors, et sur leurs descendants aujourd’hui. La performance de Nikunja lie d’une part le context social, historique et politique des textes de C. jalma et de la peinture de Biard aux mécanismes actuels de l’économie globale, géo-politique et, d’autre part, aux schémas de pensées, de sentir et d’agir de l’individu dans la societé moderne. |
DÉVELOPPEMENT |
Le développement de la pièce est défini
par le processus de création de la peinture. La danse, ainsi que
les mouvements des spectateurs, en suivent le rythme et participent à son
développement. A ses débuts, une large toile de coton représentant
la peinture de Biard est étendue sur le sol : les spectateurs sont assis
autour et les acteurs/danseurs évoluent avec Nikunja sur ce support. Plus
loin, la toile est élevée et portée par les danseurs et
le peintre couvrant et découvrant par intermittence le public assis et
dispersé sur les chaises environnantes. En parallèle, la comédienne
Vinciane Saelens dit le texte théâtral pendant que Rick
Messemaker et son équipe travaille en live sur la création et la projection
vidéo. Le temps de la performance, Nikunja peint sur les corps des danseurs
en évolution et parfois sur des parties du corps des spectateurs (bras,
mains par exemple, Cf Oneness World Vison Reality), « repeignant » de
cette façon la peinture originale de Biard. Une fois la peinture achevée,
la toile, tel un toit, est supendue au-dessus de l’espace scénique
sur lequel est apporté, tables, boissons et diverses choses à grignoter.
Cette partie finale crée un nouvel espace où artistes et spectateurs
ont la même reponsabilité sur l’événement et
peuvent se rencontrer. La pièce n’a pas de fin conventionnelle.
Le public est libre de partir au moment choisit, aussi bien que les artistes. Des enregistrements sonores et vidéos de la performance continuent d’être diffusés, rendant compte de moments « live » de la pièce, à la façon des impressions laissées par un orage s’éloignant lentement. A ce moment, Nikunja propose aux spectateurs d’emporter une pièce de tissus, découpée de la toile de la nouvelle peinture : la prolongation de la réalité d’autorité créatif, décisif et de responsabilité individuelle au-delà de la performance. Chaque soirée sera unique avec un engagement créatif complet et très « challengeant » pour les artistes qui doivent agir en interaction avec le public. Pour cette raison les performances ne s’achèveront pas sur les habituels applaudissements / célébration des artistes. |
PERFORMANCE THÉÂTRALE |
Le texte de la performance, compilé par Vincianne Saelens, jette un pont entre le passé (tiré du Testament du Vent) et le présent (tiré de Caffre amnésique) et les conséquences de l’Acte d’Abolition, tout en communiquant aussi « l’histoire » de la peinture de F. Biard. Il inclue des parties de chant qui seront interprétées par Nathalie Natiembé. La performance des acteurs s’adressera parfois de façon individuelle aux spectateurs (contrairement aux performances traditionnelles où l’on s’adresse au public dans sa globalité). C’est pourquoi il pourra arriver que des parts de texte soient inaudibles pour certains spectateurs, les obligeant à jouer de leurs imaginations pour combler le manque ainsi créé. De ce fait, poussés à choisir une manière personnelle de participer, de sentir et d’écouter la pièce, la poésie du texte communiquera avec leurs univers imaginatifs intimes. |
PEINTURE |
Le travail du peintre consistera à «repeindre» la peinture historique de F. Biard. A chaque nouvelle représentation une reproduction digitale de l’oeuvre sera créé (avec l’autorisation du Musée de Versailles ) dont la taille dépendra de l’espace de performance. Cette toile sera la pièce centrale de la performance. Nikunja y créera une nouvelle oeuvre en peignant les corps des danseurs qui eux-même «imprimeront» à la toile leurs mouvements. Nikunja peindra aussi certaines parties du corps des spectateurs (visages ou autre) qui voudront bien se prêter au jeu. Petit à petit, le mouvement des danseurs et le travail de peinture transformeront la reproduction de F. Biard en une peinture contemporaine originale. A la fin de la performance, chaque spectateurs pourra recevoir une pièce de 10x20 cm de l’oeuvre découpée par le peintre. La taille et la forme de la peinture finale sera défini par le nombre de spectateurs qui souhaiteront accepter cette offrande. La partie restante intégrera la collection privée de Nikunja pour être, plus tard, exposée. |
DANSE |
Chaque danseur sera habité par
un trait spécifique du comportement humain : domination / soumission,
schéma bien précis d’action, de mouvement
etc… . Tous seront reliés à une part géographique
du monde comme l’Asie, l’Amérique,
l’Afrique & l’Europe, dans une optique spirituelle et non-politique.
Au fur et à mesure de la performance,
ces aspects en viendront à se
confondre, à interagir et même, à passer du corps d’un
danseur à un autre dans un jeu subtil. Il
appartiendra au public d’en reconnaitre et suivre les fluctuations.
Un troisième aspect de la
composition sera la représentation des protagonistes présents
dans la peinture de Biard et dans
l’histoire écrite par Jalma. Ainsi les danseurs incarneront-ils
les personnages de Balak, Anatane,
Igoto, Rikete, et Sarda Guarriga. L’actrice et le peintre comme le créateur vidéo et les créateurs son seront aussi présents sur scène pendant tout le temps de la création. Leurs mouvements « profanes » s’opposeront au mouvements artistiques des danseurs. De même, les mouvements du publics (croiser les jambes, se gratter le front, pivoter sur sa chaise pour voir d’autres parts de la pièce) pourront être lus de plusieurs façons : correspondront-ils au geste d’un danseur ? Y aurait-il une autre signification au geste, au-delà du reflex premier ? Qui créera cette signification ? Les danseurs créeront aussi un mouvement d’interaction avec le public - déplaçant des chaises par exemple - dont les formes d’interventions seront développées au cours du travail de répétition en juin 2005. |
PROJECTIONS VIDÉOS & CRÉATION |
Rick Messemaker de Rotterdam dirigera la partie projection vidéo et la production des images. Il travaillera en collaboration avec de jeunes créateurs de Rotterdam avec lesquels il s’associe régulièrement. Au début de la performance, des images pré-produites mélangeant des extraits de programmes de telévision et de documentaires, seront projetées sur trois murs par des projecteurs placés au-dessus de la scène. Des images symboliques du voyage (avions/bateaux en noir et blanc) seront incorporées à cette projection. Puis, des images live du public y apparaitront au ralenti. De même, des prises live du public par une camera mobile seront aussi projetées sur les murs. Toute cette production sera enregistrée. L’ensemble de la projection vidéo sera coordonné à la conception lumière de Nikunja. Dans le cas où la performance est donnée dans de grands espaces, la projection vidéo se fera sur de larges étoffes blanches flottantes. |
MUSIQUE & COMPOSITION SONORE |
Le compositeur-musicien genevois Alain Perret (AL1, label: Undergroundarts) créera, en collaboration avec l’ingénieur du son Benoit Saillet, l’environnement sonore du Testament du Vent. Celui-ci incorporera du son enregistré en live dans l’espace et le public. Microphones et haut-parleurs seront distribués au travers de l’espace scénique et au milieu du public dans le but de créer des «îlots de son» qui permettront de jouer sur diverse atmosphères en des places distinctes de l’espace. La taille et la forme de l’espace scénique seront ainsi définis par les différentes atmosphères sonores. Pour chaque représentation, un nouvel environnement sonore sera créé, intégrant les enregistrements live du public. Un challenge technique et artistique original qui sera préparé au cours des répétitions à Genève et Rotterdam. |
PUBLIC |
Chaque membre du public sera invité à participer
de manière active et créative à la performance. Au début, le public sera assis en cercle autour de la scène comme dans les anciens théâtres ou le théâtre Halca. Les choses évoluront progressivement de ce point de départ classique avec la dissimination des chaises au travers de l’espace scénique, partagant l’espace de manière égale entre public et scène. Le public n’apparaîtra plus en tant que «groupe» mais en tant qu’individu avec la liberté de choisir l’orientation de son propre siège. Le fait de scinder le public et de forcer sa mobilité est un acte important qui coïncidera avec la diffusion d’un enregistrement de « vent soufflant », en référence à l’histoire de C. Jalma. Si l’espace scénique est très grand (comme dans le studio 1 de Schiecentrale à Rotterdam), il sera défini par les éclairages de façon à garder une certaine liberté de mouvement. Au contraire des «Art happenings» de la fin des années 60, le visiteur ne sera pas obligé de participer. Il pourra aussi bien choisir de rester en retrait tout en étant très bien intégré à la performance. Son investissement est sa propre responsabilité et tient à sa manière de voir les choses. Cet notion d’acte volontaire de participation est très importante : de cette manière l’individu n’est pas dominé par une autorité plus puissante. |